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sequestree-copie-1.jpgSequestrée

Chevy Stevens

L’Archipel, 2011

 

Quand le malheur s’abat sur vous, c’est, ou bien la fatalité, ou bien la conséquence de quelque chose dans votre entourage dont vous n’avez su vous protéger. Ou que vous n’avez su identifier.

Annie est une jeune femme sans histoire. Son plus grand malheur, avant le drame que raconte le roman, c’est tout simplement sa mère. Alcoolique mondaine, reine de la déstabilisation via ce bon vieil outil toujours aussi efficace qu’est la culpabilisation d’autrui, éternelle insatisfaite. Dans la vie de ces deux femmes, une horreur dont on ne parle pas, qu’il est interdit d’aborder : la mort du père et de la sœur ainée chérie, préférée, un terrible soir, quinze ans auparavant.

Annie est agent immobilier. Un soir, alors qu’elle fait visiter une maison vide à un acheteur potentiel, celui-ci l’enlève. Pendant un an, il va la séquestrer, lui infligeant une discipline absurde, folle, quant aux heures des repas ou des toilettes, la violant à répétition jusqu’à lui faire un enfant, la frappant avec violence à chaque manquement à ses règles.

La véritable histoire n’est pas dans ce que subit la jeune femme. Elle est dans la force larvée avec laquelle elle tente tout, désespérément, pour rester en vie. Comment elle dresse des digues au plus profond d’elle-même pour sauvegarder sa raison.

Totalement impuissante, livrée à la folie monomaniaque d’un taré, Annie va survivre, et même (je ne dévoile rien, tout le roman est basé là-dessus), comment elle lui échappe.

Le roman est monté avec finesse : la très, très bonne idée consiste dans une double avancée chronologique au travers du récit qu’Annie fait à son psy de tout ce qui lui est arrivé. On découvre son calvaire par pans successifs, séance après séance, mais surtout on en mesure les effets atroces sur sa vie aujourd’hui. Comment il lui faut des mois avant de pouvoir aller pisser à d’autres heures que celles qui lui furent imposées pendant des mois. Comment elle dort le plus souvent dans un placard, comment sa paranoïa totale l’empêche de retravailler, ou tout simplement d’avoir une vie sociale, malgré son chien, son alarme, ses amis…

C’est un roman passionnant, pas seulement à cause du suspens que Chevy Stevens conserve habilement tout en dévoilant les évènements. Le seul reproche que je lui ferais est celui de la fin, qui selon moi, retire plutôt à la force de l’ensemble.

Une fois libérée, la jeune femme, après un périple douloureux, trouve la police. Mais comment raconter, comment justifier, comment avouer ? Cette scène, pour moi, demeure inoubliable. Chevy Stevens n’y a pas mis qu’une habileté diabolique : une émotion infinie y est enfermée qui m’a tiré des larmes.

Le triple récit du calvaire, de la résilience puis de la libération de l’héroïne, aussi bien physique que mentale dans son long travail pour revenir à la normalité, suffisent à faire de ce premier roman non seulement un livre palpitant, mais encore particulièrement émouvant.

Sans beaucoup de sang, ce roman reste parmi les plus effrayants que j’ai lus depuis longtemps.

C’est un premier roman, on lui pardonne sa fin inutile à cause de la réussite qui précède. Mais Chery Stevens a mis la barre très haut pour les suivants.

Tag(s) : #critiques
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