Le chasseur de lucioles
Janis Otsiemi
Editions Jigal, 2012
Les lucioles, ce sont ces bestioles délicates qui brillent dans la nuit, dans la douceur des soirées d’été. On les voit s’allumer, à peine, il faut regarder un peu à côté pour deviner leur place
exacte… Ne faites pas de bruit en les approchant, sinon, elles s’éteignent, car elles sont craintives. Ne les emprisonnez pas dans un bocal, car lorsqu’elles sont séparées de leurs compagnes,
leur lumière disparait.
Les lucioles de Janis Otsiemi brillent dans la nuit de Libreville mais souhaitent être vues le plus possible. Car ces jolies filles au charme clinquant font commerce de leurs charmes. On apprend
au passage qu’au Gabon les prostituées sont Camerounaises. Comme autrefois les charbonniers de Paris étaient Auvergnats, en somme, ou les bonnes Bretonnes… (Les Bretons et les Auvergnats voudront
bien me pardonner la comparaison oiseuse…)
Les lucioles Gabonaises sont craintives aussi, car depuis peu, dans les motels où les clients les emmènent pour la nuit, des filles sont retrouvées au matin, égorgées, massacrées au tesson de
bouteille.
Janis Otsiemi nous balade dans Libreville, sa chaleur implacable, son administration hasardeuse, son commissariat où les aveux s’écrivent ordinairement à coups de poings.
Deux groupes de policiers travaillent d’arrache pied : des gendarmes enquêtent sur l’assassinat d’un ancien de chez eux, compromis dans un trafic d’armes, tandis que ceux de la Police
Judiciaire travaillent sur les meurtres des filles. Ils traquent le « chasseur de lucioles », sans médecine légale, sans identité judiciaire, sans ADN. Survient alors en pleine rue un
casse lucratif où les balles volent en tous sens : l’affaire donne alors du fil à retordre aux deux équipes.
Les dialogues ainsi que la narration sont bourrés de particularismes succulents. Un lexique est parfois nécessaire en bas de page mais pas forcément, tant la narration est juste, colorée, le ton
alerte.
Au Gabon, le français parlé est fleuri d’expression dont la poésie le dispute au bon sens. Balle à terre signifie laisse tomber, un ambianceur est un fêtard.
Si certaines tombent sous le sens, d’autres surprennent, et ce léger contrepied fait tout le plaisir de la lecture.
Si l’aventure n’est pas exceptionnelle de sophistication, le sel des villes africaines est présent, avec le mélange de jubilation et de stupéfaction qui caractérise
en général le regard européen.
Otsiemi nous livre une série de portraits savoureux, même si on ne peut que s’affliger du côté documenté lorsqu’il dévoile la corruption à tous les étages de la police.
Merci à Jigal pour cette plongée africaine. Moins cher et moins polluant qu’un voyage en avion, il faut lire « Le Chasseur de Lucioles » , deux cents pages de dépaysement plein d’humanité.